La postition

1 – GÉNÉRALITÉS :

Une préparation mentale sûre et une position stable et équilibrée seront les objectifs initiaux du tireur: des résultats élevés ne seront obtenus que si le tireur obtient le confort mental et physique: le paradoxe veut que les bons résultats soient dus pour 80% à la préparation mentale, mais que l’on ne peut obtenir la tranquillité d’esprit que lorsque la préparation technique est sûre et globalement satisfaisante.

 

Pour «purger» cette pénible alternative du tireur, nous nous attacherons à régler les difficultés de la technique de base, pour ensuite nous intéresser ensuite à l’essentiel, la concentration et la préparation psychologique.

 

Une «bonne position» n’est pas douloureuse: la stabilité et l’équilibre doivent être obtenus avec le minimum d’effort musculaire, une grande liberté articulaire, et une certaine habitude... Le corps est parfaitement relaxé: il est utile de tirer «vautré», mais pas «mou».

 

La position «couché» nécessite d’acquérir des sensations proprioceptives (articulaires et musculaires) très fines, et demande du temps et de la patience. Par conséquent, un programme d’entraînement doit être suivi sur au moins six mois pour un minimum d’efficacité, en particulier en s’exerçant au tir à sec, chez soi. Ceci peut paraître fastidieux – et c’est vrai –, mais en revanche, c’est comme le vélo, on ne l’oublie pas!

 

Si la bouche du canon est maintenue avec trop d’énergie, elle saute et elle tremble. Dans ces conditions, la visée est rapidement dégradée et le lâcher aléatoire. Le tireur doute, se cramponne à son arme, ce qui ne fait qu’amplifier la détérioration de la tenue de l’arme: l’inconfort physique et mental déclinent de plus belle.

 

L’acquisition d’une position efficace est donc affaire de méthode, à travers une progression où tous les éléments doivent être étudiés systématiquement et sans interprétation personnelle: laissez les styles et les variantes aux champions, n’essayez pas de copier Untel, une bonne position se sent de l’intérieur. Il est inutile de photographier le tireur en vogue, sa position lui est personnelle, et l’imitation ne vaudra pas l’original. Un seul conseil: restez simple!

 

Dans le domaine des positions, proscrivez les conduites hâtives, elles n’apporteront que des résultats médiocres. La stabilité n’est atteinte qu’à partir du moment où les muscles, articulations, ligaments et tendons se sont habitués aux sollicitations neuro–physiologiques découlant de la posture de tir. Ce sont ces processus qui nous ont permis l’apprentissage de la marche et de toutes nos activités quotidiennes (biofeedback)... laissons–leur le temps de faire leur ouvrage pour acquérir l’exacte sensation du maintien de la position de tir.

 

2 – ATTITUDE GÉNÉRALE DU CORPS :

Il est utile de rechercher la position allongée la plus naturelle possible. Toute dérogation à cette règle de base engendrera des contractions musculaires. La position n’est pas habituelle, vous ressentirez au début un certain nombre de douleurs qui vous inciteront à changer de position, et tout recommencera!

 

La colonne vertébrale et les épaules doivent former un «T», l’angle du buste sur le bassin doit rester faible pour ménager les vertèbres, le poids du corps repose sur le côté gauche pour favoriser la respiration et limiter la répercussion des pulsations cardiaques (en particulier chez les tireurs «enveloppés» et après les repas.)

 

L’orientation du corps est d’environ 20° par rapport aux cibles. Une position dans l’axe ne permet pas de respecter la perpendicularité des épaules et par conséquent la rectitude de l’axe rachis–jambe gauche. La position «centrée» (dans l’axe) est un archaïsme hérité des tables de tir militaire à la française, mais curieusement conservée par routine dans le tir sportif.

 

Le rôle de la veste de tir est primordial: il est préférable d’économiser sur l’arme ou des accessoires que sur l’achat d’une veste correcte. Lors de la prise de position, il faut bien tendre la veste pour éviter qu’elle ne remonte ou fasse des plis.

 

3 – MEMBRES INFÉRIEURS :

Les jambes sont détendues, et écartées sans exagération. La jambe gauche est complètement étendue, la jambe droite est légèrement repliée. Cette position verrouille la bascule du corps, et limite l’effet des battements cardiaques. Le côté interne du genou droit repose sur le sol.

 

Les pieds sont placés de manière naturelle, maintenus par leur propre poids: le pied gauche est allongé ou retombe sur sa tranche externe, le pied droit sur sa tranche interne.

 

4 – BRAS GAUCHE :

Le coude gauche se place assez loin en avant, et autorise ainsi une position basse favorisant la stabilité. L’angle formé par l’avant–bras et l’horizontale ne doit pas être inférieur à 30° (Règlement ISSF).

 

Le coude se place sous l’arme, ou légèrement à gauche («sous l’œil gauche»), ce qui limite au maximum les contractions pour soutenir l’arme, et positionne correctement la bretelle. Le coude doit être considéré comme un point fixe pendant tout le match. Tout déplacement du coude modifie l’image de visée, la pression de la joue sur la crosse, l’équilibre général de la position, ainsi que la tension de bretelle et la réaction de l’arme au départ du coup.

 

Les pauses représentent donc un risque que l’on doit éviter au maximum, et il est préférable que tout le match soit tiré sans se relever. Mais certains excellents tireurs se relèvent toutes le dix balles! Si l’on est amené à se lever, la position doit être à nouveau contrôlée soigneusement.

 

La position est fonction de la morphologie du tireur. Petit et râblé: le coude gauche ne peut être ramené dans l’axe; grand et longiligne: le coude peut être «forcé» vers l’intérieur.

 

5 – MAIN GAUCHE :

La main gauche est avancée jusqu’au cale–main et vient fermement en butée contre celui–ci. Elle ne peut donc changer de position, ni glisser en avant. Si la main ne peut atteindre le cale main, n’oubliez pas de ramener celui–ci!

 

Le fût est placé sur l’éminence thénar, partie charnue de la base du pouce, les doigts restent souples et détendus. Une carabine qui repose dans la paume de la main est sujette à l’influence des pulsations cardiaques, en particulier quand la bretelle est tendue avec excès ou le cale–main trop fin. Certains tireurs recherchent cette sensation, mais cette erreur entraîne un fin battement de la bouche du canon, souvent imperceptible pour le tireur (sauf à la lunette), mais visible par un spectateur et observable en cible!

 

La main gauche ne soutient pas l’arme: elle reste détendue, l’arme est soutenue par la tension de la bretelle, qui permet la triangulation épaule – coude – main. Si la main soutient l’arme, elle transmet une réaction verticale incontrôlable au départ du coup: la pesée doit donc s’exercer vers l’avant, et non vers le haut.

 

Les doigts ne serrent pas l’arme: un fût ne peut être serré de la même manière tout au long d’un match, ne vous cramponnez pas et laissez donc vivre le recul.

 

6 – BRETELLE :

La bretelle permet la tension du triangle d’appui épaule–coude–main, et joue un rôle primordial dans l’équilibre de l’arme, stabilise la main gauche qui s’appuie sur le cale main. La bretelle ne doit pas transmettre à l’arme les contractions du bras gauche, et elle doit se situer idéalement en bas du deltoïde et en haut du biceps, au tiers supérieur du bras, à condition d’avoir une veste bien taillée et une boucle bien placée.

 

Une bretelle trop basse impose une position en dessous du minimum des 30°. De plus, cette position manque de tonus et devient progressivement instable, la bretelle glisse vers le coude et entraîne la veste: le tireur s’écrase progressivement, et le groupement s’agrandit, sans pouvoir annoncer correctement.

 

La tension de la bretelle doit être plutôt appliquée sur l’extérieur du bras, ce qui évite la compression de l’artère humérale: cet effet de garrot rendrait la position douloureuse et répercuterait le pouls huméral sur l’arme.

 

Une bretelle trop longue entraîne une position trop basse et insta­ble, tête mal placée ( en hyper–extension: attention aux cervicales...), et non réglementaire.

 

Une bretelle trop courte entraîne une position trop haute, épaule vers l’avant, et comprime l’artère humérale: elle est donc irrégulière et douloureuse.

 

7 – ÉPAULE DROITE :

Elle doit être relâchée, avec un placement constant de la plaque de couche. Bien que détendue, l’épaule droite est en général légèrement plus haute que l’épaule gauche du fait de la légère bascule à gauche du corps.

 

Il est nécessaire de prendre garde aux crosses trop longues ou trop courtes, elles placent l’épaule dans une position déséquilibrée. Elles entraînent donc des contractions préjudiciables à la stabilité, à la régularité du port de la tête, et un placement variable de l’épaule droite: en fonction de l’appui sur le coude droit, l’épaule peut être relevée plus ou moins haut, modifiant les appuis sur la crosse.

 

8 – BRAS DROIT :

Le coude droit est posé vers l’avant et l’extérieur, et le bras droit soutient le haut du corps sans contraction: il ne doit pas être ramené volontairement vers le corps, sous peine d’entraîner des placements irréguliers. Par contre, l’avant–bras droit n’a pas de fonction d’appui, il est simplement pesant sur la poignée de crosse.

 

Les poignées réglables doivent être abordées avec simplicité, sans extravagance, pour des ajustements restant modérés.

 

9 – MAIN DROITE :

La main enserre fermement la poignée, mais sans crispation et sans exercer de pression latérale, qui serait inconstante d’un tir à l’autre; d’ailleurs, en serrant fortement la poignée, la visée ne doit pas changer si la poignée est correcte. Sinon, il est nécessaire de modifier la position de la main sur la poignée (solution provisoire) ou adapter la grosseur et la forme de la poignée. L’index ne touche ni le fût, ni le pontet, et exerce une traction strictement longitudinale sur la détente: même remarque que précédemment pour les poignées réglables.

 

10 – TÊTE :

L’œil doit arriver naturellement à l’œilleton de l’arme: il est donc néces­saire de jouer sur les réglages pour y arriver: hauteur et inclinaison de plaque de couche, de busc, longueur de crosse, position de cale main, tension de bretelle. La distance entre l’œil et le pavillon du dioptre doit être de 5 à 8 cm, et surtout permettre une visée claire, sans halo ni diffraction, reconduite à l’identique à chaque prise de visée (voir chapitre «visée», page 8).

 

11 – LONGUEUR DE CROSSE :

La crosse idéale est obtenue à partir du «T» formé par les épaules et la colonne vertébrale. Une crosse trop courte oblige à avancer l’épaule droite, donc à fournir un effort musculaire inconstant; une crosse trop longue entraîne un recul de l’épaule droite et placement de plaque de couche aléatoire et fuyant, généralement vers le bas.

 

Le réglage de longueur de crosse se réalise en prenant d’abord la position, puis en intercalant ou en retirant des plaques intermédiaires, ou en jouant sur le mécanisme de plaque de couche: la carabine devrait s’adapter au tireur, et non l’inverse!

 

12 – PLAQUE DE COUCHE :

Quelque soit la forme de la plaque de couche, il est impératif qu’elle se place toujours de façon identique contre l’épaule. Le réglage vertical est déterminé par la hauteur générale de l’arme et de la cible, le talon de crosse arrivant le plus souvent au dessus du bord supérieur du busc. Ce réglage doit amener naturellement la joue sur le busc, et le cou reste souple.

 

13 – TEST DE LA POSITION :

La position doit être testée à chaque visée. Le tireur ferme les yeux et prépare sa visée de manière habituelle: la position est correcte lorsque le guidon se trouve centré dans l’œilleton et dans la zone de stabilité en cible au départ du coup. Dans le cas contraire, il est nécessaire de corriger :

  • latéralement: en déplaçant tout le corps («le coude gauche est un pivot»);
  • en hauteur: en modifiant le réglage de bretelle et du cale main, à condi­tion que le réglage de plaque de couche soit correct;
  • les petites corrections latérales sont obtenues par de brèves contractions musculaires modifiant la position de la bouche du canon, qui revient dans une position légèrement différente;
  • les petites corrections verticales pourraient se faire en déplaçant le point de blocage de la respiration, mais cette correction est difficilement reconduite,

si, après ces petites corrections, la position n’est toujours pas acceptable, il est efficace de tout reprendre au début: la position doit être vérifiée à chaque balle. C’est fastidieux, mais indispensable.

 

14 – LA TENUE AU DÉPART DU COUP :

Au départ du coup, la bouche du canon donne au tireur l’impression de sauter d’une distance égale à la hauteur du visuel, puis reprend instantanément sa position. Ce sursaut doit être régulier, ce qui est impossible si l’avant bras gauche soutient activement l’arme ou si l’appui de la joue sur le busc est inconstant. En calibre .22, ce sursaut est à peine visible par un observateur: en posant verticalement une douille vide sur le porte–guidon, elle ne tombe pas... ou ne devrait pas tomber! Une seule solution: maintenir la position après le départ du coup, comme si rien ne s’était produit. Un bon entraînement: faire recharger par un équipier, qui introduit de temps en temps une douille vide... c’est radical pour détecter les réactions au départ et l’absence de tenue, ce qui est encore plus flagrant en percussion centrale.

 


Dernière modification : 30/05/2006 : 04:33