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Au petit bonheur - le 05/03/2007 : 15:00 par Webmaster

Au petit bonheur


Madame la Ministre,


Je prends la liberté de vous conter une histoire comme les aimait André Cools qui m'honora de son amitié.

C'est l'histoire d'un garçon des hauteurs vertes de Liège, né à la Préalle-Herstal, la cité des armuriers, où l'on fabriquait les plus fins fusils au monde - avec Paris.

Je tiens de mon grand-père maternel, ancien gendarme et chasseur, de mon père et d'un on-­le, l'amour des armes.

Dans le temps de mon enfance, les garçons de chez nous recevaient leur première carabine à huit ans, juste après le canif à six lames.

La mienne, la première - que je possède encore - est une Flobert 9mm à canon lisse, système Warnant, soit un petit chariot éjectant la douille au culot de cuivre marqué d'un gland.

Je la portais en bandoulière en me rendant en trottinette chez mon grand-père par de mauvais chemins entre les terrils. C'est que la nuit tombée, je surmontais la peur du noir en chantant et puis ma carabine me rassurait. Ce n'était pourtant qu'une carabine à moineaux. Il y a plus de septante ans que je la possède et il m'arrive de m'en servir en tirant en l'air pour effrayer les rapaces qui attaquent mes haies, les mésanges se bousculant devant la cabane emplie de graines de tournesol et d'une motte de saindoux.

Je l'ai déclarée une première fois à la police et puis, de nouveau selon la nouvelle loi. J'attends la décision du Gouverneur de la province de Hainaut.

Je ne puis imaginer me séparer de ma carabine, déjà que j'ai revendu, lorsque j'ai cessé de chasser, mon superbe calibre 20, platine. Je me consolais parce qu'il est aujourd'hui dans les mains d'un jeune chasseur et qu'il fait son bonheur.

Voyez-vous Madame la Ministre, l'amour des armes de chasse est une passion que ne peut régir une loi aveugle. Tiens, j'y pense, c'est un graveur de la fabrique Nationale qui m'a appris à dessiner. Il s'appelait monsieur Onkelinx, un homme très bon. Dessiner, c'est déjà écrire ! Je me souviens aussi de mon on-­le Jules qui était "feu d'bwé", c'est-à-dire qu'il tournait les crosses de noyer pour les fins fusils.

Si d'aventure ma carabine Flobert, système Warnant, allait à la casse, j'en serais très chagrin. Il ne me restera alors qu'un petit couteau à pommes de terre, un Gembloux, à moins qu'il ne soit prohibé...

Que penserait votre talentueux époux si les antitabac, envoyaient d'un trait de plume ses pipes aux orties ? Je vous laisse à vos charges.

Merci de m'avoir ( peut être) lu.


René Henoumont.


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